Je suis dépité. Dépité de voir Netflix, qui s’était imposé comme le dernier soutien des réalisateurs de renom, leur tourner finalement le dos. Aujourd’hui, une nouvelle figure majeure du cinéma moderne a subi ce changement de politique : Kathryn Bigelow.

Si son nom n’est pas aussi bankable que ceux de Martin Scorsese, Christopher Nolan ou David Fincher, cette réalisatrice très en vogue au cours des années 2010 a marqué l’histoire en devenant la première femme lauréate de l’Oscar de la meilleure réalisation pour Démineurs, son film choc sur la guerre en Irak (qui avait également raflé pas moins de 6 trophées, dont Meilleur film, lors de la cérémonie en 2010). 2 ans plus tard, elle avait à nouveau fait parler d’elle avec Zero Dark Thirty, nouveau long-métrage coup de poing, cette fois-ci sur la traque d’Oussama Ben Laden, avec Jessica Chastain en tête d’affiche. Depuis 2017 et le globalement passé inaperçu Detroit, nous n’avions plus entendu parler de Bigelow, avant que Netflix n’annonce, en 2022, la mise en chantier d’Aurora, un film catastrophe écrit et réalisé par cette dernière. Un nouveau projet intriguant qui devait commencer son tournage sous peu. Hors, nous venons d’apprendre que ce ne sera finalement pas le cas.

C’est le New York Times qui a annoncé la mauvaise nouvelle : Netflix a annulé le film il y a plusieurs mois. Une annulation qui coïncide avec la nomination de Dan Lin à la tête de la division cinéma du service de streaming, afin que la plateforme se focalise sur des films « davantage axés sur le public et moins sur les auteurs ». Un choix purement commercial (un énième blockbuster d’action sans âme avec Ryan Reynolds ou Gal Gadot rapporte toujours bien plus qu’un film de prestige, par nature plus exigeant et moins accessible), un choix que je ne peux que désapprouver, et qui me fait craindre le pire pour certains auteurs. Ces dernières années, Netflix était devenu un soutien majeur pour des réalisateurs comme Bong Joon-Ho, Martin Scorsese, Alfonso Cuarón, Jane Campion, Alejandro González Iñárritu, Guillermo del Toro, David Fincher et bien d’autres, en investissant dans des films qu’aucun grand studio ne voulait financer. Grâce à cela, des chef d’œuvres comme The Power of the Dog avaient pu voir le jour.

Mais cette ère semble désormais révolue. Si Fincher a parvenu à négocier un nouveau contrat d’exclusivité, et que Del Toro est actuellement en train de tourner son Frankenstein sous la bannière du N rouge, les autres metteurs en scène talentueux que j’ai cité plus haut ne vont sans doute plus pouvoir compter sur Netflix. Comme s’il l’avait senti venir, Scorsese s’était détourné de la plateforme après la sortie de The Irishman pour travailler avec Apple sur son crépusculaire Killers of the Flower Moon – une collaboration qui se poursuivra dans les années à venir avec un nouveau film, The Wager (également adapté d’un roman de David Grann). Il y a une semaine, on apprenait que Netflix avait décliné le nouveau film de David Lynch, un réalisateur qui peine à trouver des financeurs alors qu’il fait partie des plus grands de l’histoire du 7ème art. La stratégie de la firme semble désormais se résumer à produire des blockbusters calibrés et potentiellement distribuer des films d’auteurs acquis après leurs projections en festivals.

Nous verrons bien comment la situation évoluera au cours des prochains mois, mais attendez-vous à ce que de nombreux projets soient abandonnés par la plateforme, sans garantie d’être récupérés par d’autres studios…

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