Looking, 45 ans… Que ce soit sur le petit ou sur le grand écran, Andrew Haigh sait représenter l’amour à l’écran de la plus subtile et tendre des façons. Son quatrième long-métrage, Sans jamais nous connaître, s’est forgé une solide côte de popularité en Grande-Bretagne l’an dernier, et arrive chez nous auréolé de plusieurs récompenses et nominations prestigieuses. Un nouveau coup de maître ?

Filmer les sentiments amoureux a toujours été au cœur de l’art, et notamment du cinéma. Des dizaines de titres nous viennent en tête lorsque l’on évoquent les termes de « romance » ou de « comédie romantiques » : des histoires tragiques comme celle de Rose et Jack dans Titanic ou au contraire celles aux happy-ends réjouissants, comme dans Coup de foudre à Notting Hill par exemple… L’amour est partout. Ainsi, puisque ce sujet domine le medium depuis sa création, il devient de plus en plus difficile de montrer à l’écran des histoires d’amour novatrices, différentes de ce que l’on a vu auparavant tout en restant touchantes. Sans jamais nous connaître coche toutes ces cases : c’est un amour comme on en voit rarement au cinéma, sublimé par la superbe mise en scène de Haigh, et qui m’a profondément ému, comme rarement un film l’a fait en salles.

Solitaire et emprisonné dans un quotidien monotone, Adam habite dans un immeuble presque totalement inhabité de Londres. Un soir, il fait la rencontre d’un de ses voisins, l’énigmatique Harry, avec lequel il va progressivement se rapprocher. Mais cet amour naissant va être mis à l’épreuve lorsqu’un jour, alors qu’il retourne dans sa maison d’enfance, Adam retrouve ses parents, inchangés depuis leurs morts il y a plus de 30 ans dans un accident de voiture. Sans jamais nous connaître nous propose d’assister à ces retrouvailles chargées d’émotions, entre un fils et ses parents, qui a bien des égards se rencontrent véritablement pour la première fois. Ainsi, le long-métrage est bien au-delà de la simple romance, c’est un film sur l’amour, sous toutes ses formes.

Je pourrais comparer cette œuvre à une séance de thérapie : c’est une parenthèse hors du temps, onirique, où le protagoniste se voit offrir une seconde chance inespérée, où les personnages osent enfin se dire ce qu’ils n’ont jamais osés ou n’ont pas pu se dire auparavant. Le scénario est écrit avec une finesse remarquable : une profonde sincérité en émane. Chaque réplique va droit au cœur, le brise ou au contraire le guérit. Andrew Haigh évite habilement les clichés, prends le contre-pieds des attentes : la scène du coming-out est déchirante, à mille lieux des séquences similaires que l’on voit généralement au cinéma ou à la télévision. Ce cinéaste a un talent fou pour nous plonger dans l’intime de la manière la plus simple et la plus poignante qui soit.

C’est, naturellement, un long-métrage très bavard, mais également contemplatif, à la photographie splendide. Comment ne pas être transporté au son de la musique des Pet Shop Boys ? Comment ne pas être ému par ces confessions d’une beauté désarmante ? Comment ne pas être touché par cet amour entre deux hommes que la société a totalement laissé de côté ? Chaque personnage transcende, non seulement en raison de l’écriture d’Andrew Haigh, mais des époustouflantes performances de la distribution. Andrew Scott signe ce qui est incontestablement l’interprétation masculine la plus magistrale de ce début d’année – on l’a rarement vu dans des rôles aussi saisissant. Paul Mescal confirme qu’il est l’un des plus grands acteurs de sa génération. Jamie Bell continue de prouver qu’il a toujours sa place dans le monde du cinéma. Claire Foy époustoufle une nouvelle fois, brillante d’émotion.

Sans jamais nous connaître se perds peut-être dans son dernier quart d’heure, un peu trop confuse, mais même des jours plus tard, c’est la délicatesse et la poésie du film qui me restent en tête. C’est une œuvre bouleversante, un grand film qu’il ne faut pas rater. J’ai versé ma larme, et j’en redemande !

★★★★½

Sans jamais nous connaître

Réalisé par Andrew Haigh

Avec Andrew Scott, Paul Mescal, Claire Foy…

En salles depuis le 14 février 2024

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